vendredi 11 avril 2008

Moi aussi et 100 km à pied.


Aaaaaaaaaaaaaa y eeeeeeeeeeeeeeeeest !! Marcher 100 km à pied d’affilée en un weekend, ça, c’est fait ! Bah ouais je sens les sceptiques qui se disent « et alors ? qui qui voudrait faire ça d’abord ? » et sachez que je vous comprends. Je saisis tout à fait pourquoi on ne voit pas l’intérêt de s’auto-infliger un truc pareil, comme ça, pour le fun. Mais, après presque 3 ans de vie chez les Kiwis, c’est le genre d’engagement qu’on prend.
Donc moi c’était ce weekend. Comme 256 autres équipes de 4 personnes. Mon équipe de marche, c’est Elise, Agathe, Isa et donc ma ptite gueule de moi.

A Taupo, à 5h de route de Wellington, les 5 et 6 avril, y avait un troupeau de 1024 petits marcheurs bien chaussés confortables (pour ceux qui n’ont pas suivi les derniers posts, confortable = moche) les yeux tout plissés par le réveil nocturne (4h30 du mat’, ça dépasse le matinal, c’est nocturne), sur la ligne de départ d’un joyeux circuit de 100 bornes. Qu’on nous avait dit. Je reviendrai là-dessus dans pas tard.

Donc après les cours, le vendredi après-midi, hop on prend son sac de voyage, ses chaussures de rando préférées, ses ptits bâtons de marche et c’est parti, en route dans la K2000 de Chris.
Mes ptits bâtons de marche, je précise, sont extensibles. Je dis ça, juste pour éviter, par la suite les questions « naïves » (= les questions cons, faut pas se mentir) que j’ai eu peu de temps avant le départ : « Mais Anne, ils sont très petits, vos bâtons, ils tiennent dans votre sac … » « … oui… c’est à dire… c’est que c’est rétractable, ces petites choses, sinon j’aurais pas pris la bonne taille… ça ferait très très petit… ». Les silences c’est pour essayer de garder une contenance, les gens s’intéressent, c’est gentil, je peux pas avoir l’air moqueur. Oui mais alors faut pas me chercher non plus.
Donc je disais, la K2000.

Chris, il est top, c’est un étudiant d’Elise, une des marcheuses, qui s’est dévoué comme 9 autres personnes pour être dans notre équipe de soutien. Et sa voiture, elle est top aussi. On l’arrête, on enlève la clef, et elle tourne encore. J’imagine que c’est qu’elle ronronne de plaisir de vous avoir déposé au lieu voulu en un temps record, on a mis 4h20 à faire un trajet que les autres ont mis 6h a parcourir, c’est pour ça que j’ai tranché à 5h mais K2000 elle est forte. Pour ceux qui se demandent, Chris ne vomit pas ses hamburgers ivre mort dans ses toilettes en étant filmé par sa fille, comme le vrai David H. Et n’a pas un brushing avec les cheveux numérotés. Il a peut-être un short rouge, par contre.
K2000, aussi, elle sait reconnaître toutes les chansons de l’iPod de Chris. L’écran de son auto-radio, y te donne les titres et l’interprète, que déjà j’avais pas de doute mais ça m’a bien confirmé que les 10 premières chansons c’était Alizée. Rendez-vous compte. Je pars, bien décidée, en 2005, A L’AUTRE BOUT DU MONDE, je fuis toutes les Alizée, les Nolwen Leroy et autres Patrick Fiori et pan, je monte dans une voiture en toute innocence, et là première chose que j’entends, c’est « c’est juste un compromis, un peu comme de l’eau de pluie, qui devient l’océan… » V’là le mal de crâne ! Comme elle le dit peu de temps après, « j’aime pas quand ça dure », je partage cette opinion au moins momentanément et quant au « j’ai pas 20 ans » répété jusqu'à pu soif, crois moi, je fais partie de ceux et celles qui pourraient, occasionnellement, souhaiter que ça ne t’arrive jamais. Oui c’est mal, mais Alizée en otage dans une voiture, c’est dur !
Alors après ça, c’était la porte ouverte à toutes les fenêtres, on a eu K-Maro « chai pas qu’est-ce qui s’passe… je veux une femme like you » tout ça. On a eu Emma Daumas. Lara Fabian. Là, quand même , respect à K2000, elle a buggé, à chaque fois que c’était Lara Fabian, K2000 s’emballait et nous disait que c’était Johnny, Patricia Kass ou Aznavour. Je la blâmerais pas, quand la douleur être forte c’est dur de se rappeler du nom de tout le monde. Et pis au milieu de tout ça, on a eu Nicole Martin « la première nuit d’amour ». Grand moment. Je cite Wikipedia (paske croyez-moi, un trajet en voiture de ce niveau là, ça incite à se renseigner sur tous ces artistes méconnus) « Nicole Martin est sans contredit une des artistes les plus populaires de la chanson québécoise. Elle est d'abord et avant tout une interprète hors pair, mais il lui arrive aussi parfois de se transformer en auteure, compositrice et animatrice, de même que réalisatrice et productrice, pour elle-même ainsi que pour d'autres artistes. » Magggnifique.

Dans ces cas là, je vous jure, vous êtes encore plus contents que K2000 fasse des records de vitesse. 1h40 de plus comme ça, je sais pas comment ça se serait fini.

Une fois sur place, on est allés s’inscrire. C’est à dire, valider notre inscription, prendre nos ptits t-shirts de l’événement, écouter les consignes de sécurité, et signer sur le poster géant de toutes les équipes réunies. Puis on s’est gavés de lasagnes, pour prendre des forces. Et pis tout à coup il a été 23h, on doit se lever à 4h30, pour marcher 100 bornes, bon ben va falloir aller se coucher alors. Sauf que perso, j’attends mon mec qui vient de l’autre coté du pays, donc alleeeeeeeeeez, minuit c’est bien aussi. Plus facile pour compter combien d’heures y reste à dormir. Dormir. Dormir. Allez heu !! Nan ça marche po. Cette nuit-là, j’ai donc dormi de 1h à 1h30 et de 2h30 à 4h15. on va dire que c’est de l’entrainement de dernière minute pour réussir à pas dormir pendant 36h, en incluant les 100km. C’est juste un peu ballot de faire ça dans les heures qui précèdent tout juste l’événement.

Donc les cheveux en doublevé et l’haleine de dragon en pH acide, n’approchez pas ça pique, on essaye tant bien que mal à 4h30 de prendre un petit déjeuner, de réveiller mon équipe de soutien perso, mon copain, qui décolle pas du matelas, mettre le troupeau de 14 (4 marcheuses et les 10 membres de l’équipe de soutien) dans les voitures et arriver à la ligne de départ avant le top chrono.
Réussi.
Je dois dire que là, c’est assez impressionnant, toutes ces personnes rassemblées à pas d’heure du matin pour se lancer dans un challenge de malade (si si si marcher 100km en moins de 36h d’affilée, c’est un peu un truc de malade) accompagnées de leur gentille équipe de soutien, en mouvement de solidarité pour les ptites nenfants de la pauvreté.

Troooooooois, deeeeeeeeeeeeeeeeuux, uuuuuuuuuuuuuuuuuun, zérooooooooooooooooo ! Autant vous le dire, on est pas partis en courant au premier top ! Y avait deux départs, un à 6h, nous et un à 7h, les fadas, ceux qui avaient prévu de faire le trajet en moins de 20h, mais quand même, 500 personnes sur la même ligne de départ et qui suivent en marchant des rues et des chemins de randonnée, ça peut bouchonner dans les virages.
Plus ceux qui bloquent pask’ils veulent rester devant. Y a un mossieu, je vais pas être grossière, je vais juste dire que c’était un mossieu, il avait laissé passer mon équipe devant lui et dépité, il a barré le chemin pour la suite, moi incluse, et quand j’ai dit « excusez-moi de vous demander pardon mais je y a mon équipe devant vous, je voudrais la rejoindre », j’ai eu « et alors ? y en a plein d’autres, des équipes ! ». Ouuuui, certes bien je vois, mais comment dire, dans équipe, y a un peu l’idée que c’est formé un peu à l’avance genre on s’organise, alors si ça te gêne pas pov’con, je vais rester groupier avec mon équipe de moi et si tu dégages pas tout seul, faudra pas aller pleurer si je te jarte dans le fossé. Manifestement mon regard agacé de 6h20 du matin peut marcher pour ouvrir les foules. Moïse n’a qu’à bien se tenir.

La première étape du circuit fait 15,1km et ne compte pas. C’est l’échauffement. Là où on fait les réglage de matos, on prend la température. Et où on se fait doubler par ceux qui ont décidé de faire la marche en courant. Les malades. C’est une M-A-R-C-H-E nom d’un ptit bonhomme en sucre.
Bah pas grand chose à en dire, de celle là, les paysages étaient très très beaux, le lever de soleil zaussi, mais ça sert pas à grand chose de vous le dire, j’ai pas les photos. L’étape s’est finie par un vilain faux-plat, mais j’ai l’impression que c’est pas le dernier, donc on passe. La motivation c’est le petit-déjeuner au riz-au-lait que notre équipe de soutien nous mijote à la ligne d’arrivée. Miam. Au passage de la ligne d’arrivée, comme on est « Voilà les Frenchies » http://www.oxfam.org.nz/events/teams.asp?a=show_team_pages&eventid=15&teamid=3027, faut bien qu’on entretienne la réputation de chaudières des filles françaises, et Isa a décidé d’embrasser le commentateur à l’arrivée. Ca nous a valu d’être citées sur le site.

Donc 15,1km parcourus, pu que 84,9. Les doigts dans le nez.
On va se faire les 12,9km qui viennent, déjà. Qui commencent par une vilaine montée qu’on l’a traitée de tous les noms et que je suis contente de pas fumer paske je vois po comment j’aurais pu être plus essouflée que ça… Et forcément, les marcheurs avec des poumons made in Amazonie te grillent les uns après les autres en te demandant « ça va ? ça continue ? » Ben connard, si je te réponds, je m’évanouis, alors contente toi de marcher vite et loin. Oui, si y a des doutes, j’aime pas les montées.

Après, le reste de l’étape c’est du pipi de chaton. Elise commence à avoir des ampoules et je tiens à rendre hommage ici et très régulièrement à Elise, son courage et ses pieds. Après 3 étapes, elle avait plus de surface de pansements que de surface de peau de pied, elle a tenu jusqu’à la fin en étant blanche jaune de douleur, a pas vu grand monde dans ma vie de ptit renne s’accrocher à ce point.

Arrivées au point de contrôle 2 (entre chaque étape, on a un point de contrôle où retrouver notre équipe de soutien favorite pour des massages, un bon ptit plat, des fringues sèches, et des bisous de soutien paske même si on sourit encore, c’est dur), arrivées là, donc, on refait le plein, après 28km, on change les chaussettes, un tit coup de crème solaire, on pose ses fesses mais pas trop longtemps sinon on va revenir à la raison et pas vouloir repartir, on regarde le trajet de la prochaine étape et c’est ti-par. Allez, 11,1km.

L’étape commence par un franchissement de clôture. Ça c’est un des moments préférés des marcheurs, le franchissement de clôture. Imaginez, vous avez marché 28km, avec des gros godillots, un tit peu des jambes qui commencent à être alourdies, et là, tout à coup, vous devez lever les pattes (une à une sinon c’est un tit peu dangereux, comprenne qui pourra) pour enjamber une clôture d’à peu près 90cm de haut. Plus, si vous avez de la chance et j’ai halluciné en voyant ça, des fils barbelés ! Eh ben comme ça je sais pour l’année prochaine, emmener ma côte de maille pour le franchissement de clôture.
On était prévenues, ça commence par une montée interminab’. Autant, pour la suite, j’aurais des récriminations, autant ça c’est vrai. Mais c’est faisable, c’est de la montée régulière, pas un truc de fou, j’irais même jusqu’à dire que j’aime bien. Et puis là, un ptit signe, au feutre, avec une grosse écriture ronde qui nous donne des relans de CM2 : « Attention, les prochains 600 mètres sont en terrain irrégulier un peu dangereux ». Quand un Kiwi reconnaît noir sur blanc un danger, c’est po bon signe. Alors allez savoir pourquoi, je me suis retrouvée en tête de file. Z’avez raison, envoyez donc la myope en éclaireur, ça va aider. Verdict : certes j’ai payé mes lentilles la peau de mes fesses mais y zont pas lésiné sur la qualité. Je vois bien les reliefs, les dénivelés et les arbres et croyez-moi il en a pas toujours été de même.
Je me suis même retrouvée, moi, à faire du guidage pour des ptites madames qui arrivaient pas trop trop à s’en sortir, pas forcément par excès de gentillesse de ma part, juste paske mes copines les Frenchies étaient coincées derrière et seules deux solutions s’offraient à moi : aider la madame à avancer pour que mes keupines avancent derrière ou dégommer la dame. Y avait des témoins gênants, j’ai préféré aider la dame.
Bon, on marchait, on marchait, ça commence à faire long ces 11,1 km surtout qu’ils nous mettent gentiment un signe à 2km de la fin d’une étape et un à 1km. Et là rien. C’est bizarre, si on se réfère au temps écoulé et au temps prévu, on devrait quasi être arrivés. Et là, sorti de nulle part, un ptit bout de gamin qui nage dans son t-shirt de membre du personnel, qui déboule et me sort « y reste encore 5km ». Okkkk, vas-y, répète un peu pour voir ? Le règlement dit quelque chose au sujet du jet de bâton sur enfant esseulé ? Nan paske je me suis retenue pour l’autre madame là, mais faut pas pousser mémé, non plus. Ah…. La grosse dame musclée derrière toi est ta mère ? Bon alors on va s’arrêter et discuter, d’accord. « vous voulez dire qu’on a marché que 6km après tout ce temps ??? » « nan, vous avez marché 10km, mais y vous en reste 5 ». Faut qu’on me refasse la théorie de la relativité des kms en randonnée, j’ai du dormir quand le prof de physique a fait le cours paske j’ai beau retourné le problème, 11,1 – 10 = 5, y a pas d’inconnue et pourtant j’arrive pas à résoudre l’équation. « Mais si, c’est simple, l’étape elle fait pas 11,1, elle fait plus » « mais dans le guide c’est écrit que ça fait 11,1… » « eh ben y faut pas croire le guide ». Ah ben pardon alors oui on s’excuse. Vous nous lachez dans la nature pour 100km de jour comme de nuit, faudrait être sacrément naïf pour penser que le guide que vous nous distribuez est cohérent. Et ça veut dire que y aura une étape avec 5km de moins hein ? Sais pas…
Ok bon alors les filles on sert les dents et on y va, c’est pas exactement comme si on avait le choix.
Perso, ça m’a plutôt boostée, agacée par l’énervement, j’ai voulu en finir pour en avoir le cœur net. Ma copine Elise, elle, elle a changé tous ses pansements et a fait de son mieux pour repartir de bon cœur, mais ça pique quand même.

A l’arrivée, un mec nous informe qu’on vient de parcourir 41,7km. Je sens que Oxfam sponsorise pas des cours de math, ca commence à être assez embrouillé. On avait fait 28km, on partait pour 11,1, a priori on a fait 15, 15 plus 28 = 41,7 ? Boh… quelques étapes plus tard avec la fatigue je pourrais te croire mais là non. Ok on se décourage pas, on va au stand d’enregistrement, on a toutes not’petit code barre pour montrer qu’on est bien arrivées et on nous scanne comme au supermarché. Et là, une dame toute souriante nous dit : « Bravo, vous venez de parcourir 37,1km, c’est super ! » Mais pas du tout, t’es malade toi !!! D’où tu me dis que maintenant on a fait la distance normale ???? Oh putain je vais m’agacer. Et comme je suis déjà agacée, c’est pas bien parti… Plutôt que de pourrir une dame que je connais pas alors que, en toute honnêteté, je suis sûrement un petit peu fatiguée, ça fait 10h qu’on est parties, je préfère aller grogner auprès de l’équipe de soutien pour que l’un d’eux se dévoue pour mener l’enquête. Pendant ce temps, je me fais masser par Josh, porter un sac à dos pendant 10h n’est pas fait pour mon dos de princesse. Clak-clak-clak. Je savais bien que y avait un truc de coincé. Alors après enquête d’Ann, la canadienne, ça va mieux. Enfin si on veut : on a marché en fait 3km de plus que prévu, bon, c’est déjà ça, MAIS aucune étape ne sera raccourcie, la marche fait maintenant 103km. Alors qui qui veut me traite de chougnasse mais vraiment, 100km, perso je trouve que c’est assez, je me passe aisément de 3 bornes de plus.

Pas le choix ? Bon ok. L’étape suivante, Chris, le proprio de K2000 la fait avec nous. C’est la plus longue, la nuit va tomber, on a le droit à du soutien, on prend. Je dois dire que, mise à part l’agacement, je me sens pas encore plus dévastée que ça après ces 41,7km. J’ai de la chance comparé à mes keupines, mes chaussures c’est du velours, a pas d’ampoules. Faut dire, Elise les a toutes raflées, Agathe a fini les restes, donc rien pour moi.
Cette étape fait 19,4km. Pas de blague, je vais pas m’en faire 22,4. Non non non. Rien de trop particulier pour cette section, pas que je me souvienne en tout cas, au km avant l’arrivée le staff nous a distribué des bonbons et une fois au point de contrôle, un couscous de poulet nous attendait. Et des fringues sèches. Paske autant Josh m’a bichonnée, autant il a pas pu retenir un « aaaaah c’est dégueulasse, ton t-shirt est tout collant ». Bah voui ben vous avez froid mais 61,1km à pied, ça peut faire transpirer. Alors par respect pour les mains de mon masseur préféré, je me change et hop, massage. Bon j’admets, pas bouger, ça pèle son fion. Ouh là là. Les photos que vous voyez pas en témoignent pourtant, je suis enroulée dans ma couverture polaire, par dessus un très seyant ensemble damart t-shirt manches longues pantalon version kiwi, un pull, un pantalon et une pile de t-shirts.
Là, les gens en général commencent à fatiguer, moi y compris, rien de grave, je m’amuse encore mais je me sens un peu comme en fin de soirée. Il est que 23h mais c’est un peu 4h du mat’ dans mon corps. Alors je vous dis pas comment je me sentais à 4h du mat. J’ai quand même trouvé une équipe qui cherchait leur 4eme marcheur près des toilettes portables, parce que, je cite, « il est allé aux toilettes y a 30 min, depuis on le trouve pu, on a peur qu’il ait fait un malaise dans la cabine ». Argh. Rien que l’idée de s’évanouir dans des toilettes portables, ça me redonne un coup de fouet pour éviter ça.

Cette fois-ci, Mathieu nous accompagne. Deux dans l’équipe commencent à pu trouver ça drôle du tout, on sera pas plus mal avec un peu de soutien et Mathieu a de l’énergie à revendre ou y fait bien semblant, y passe son temps à faire des allées et venues entre les deux sous-groupes de deux, donc grosso modo il fait le double de trajet, mais même pas mal, y garde le sourire.

Dans cette étape, on a croisé un taré. Le mec, Grant, a marché avec nous quelques dizaines de mètres et a eu le temps de nous expliquer qu’il avait démarré en courant à 6h du mat avec son équipe, qu’un des mecs s’était blessé (tu m’étonnes, niveau terrain c’est du régal pour le mountain bike, alors imaginez pour les chevilles de coureurs miam) alors Grant et un autre avaient fini en courant « pour le fun » puis avaient rejoint leur pote à un point de contrôle et maintenant re-finissaient le circuit en marchant avec lui. Au minimum le Grant, y s’est fait 140km dont 100 en courant. Tous les jours au ptit déj, je dis.

A part ça, perso, pas trop à raconter. C’est la nuit, on marche « que » 7km, on voit rien, chui pas encore morte de fatigue, donc ouais, dur de développer et pas de délire de manque de sommeil pour enjoliver l’étape. Ma cheville gauche commence à complètement brûler, comme ça d’un coup d’un seul, mais je peux pas me plaindre c’est rien par rapport à mon équipe.

A l’arrivée de cette étape, personnellement, je soutenais et je soutiens qu’on aurait du croire le guide qui disait « à cette étape, il est grand temps de faire une pause ». Mais l’équipe a décidé que non, la prochaine étape ne faisait que 7km également, on va pas perdre de temps ici. 3 contre 1, ok, on repart. Le fait que toutes les quatre, on commence à refuser toute nourriture aurait du nous alerter comme quoi ça commençait à flancher. Pas bon, le refus d’énergie.

Moi ça s’est traduit avec une envie de vomir de plus en plus fréquente. Sans concrétisation. Agathe aussi. Elise et Isa, je crois que les nausées étaient pas le premier de leurs soucis, mais ça a pas aidé. Ce qui m’a entamé aussi, c’est la fatigue de se concentrer en permanence sur le rond de lumière de 50cm de diamètre de ma lampe frontale. 10h de marche dans ces conditions sans sommeil après déjà 12 de marche de jour, dur. On a mis 2h20 à faire ces 7km, on les a finis gelées, fatiguées et un tit peu en baisse de moral. En affichant chacune des signes différents de fatigue. Le mien, et dieu sait si c’est exceptionnel, ça a été le refus constant de manger. J’ai fini par manger un truc quand Isi, notre docteur en chef, m’a dit « désolé mais c’est pas possible de te donner un nurofen si tu manges pas ». Faut donner les bonnes motivations aux bons moments. Pendant ce temps là, ma copine Agathe, classe, vomissait dans sa tasse. Ca peut paraître crade MAIS quand on est un groupe de 10 dans le noir, fatigués, à faire des pauses en chaussettes tous les uns serrés contre les autres, le fait de vomir dans sa tasse est plutôt bien vu. J’avais pas faim et je suis pas sûre que marcher dans du vomi aurait aidé. Elise et Isa se concentraient sur leurs douleurs, je peux pas tellement en dire plus que ça, je crois que j’ai jamais vécu un stade de douleur comme elles ont eu, donc chut.

Pendant ce temps-là, mon mec dormait. A 30cm de la tasse de vomi. Une seule personne pouvait dormir dans des conditions pareilles et j’aurais parié sur le bon cheval.

Prochaine étape : 14,8 km. Avec Mathieu, qui décidément était parti pour 7km et en sera donc à 28,8 plus tous ses allers et retours à la fin de cette étape. Et Greg, tout frais. Y seront pas trop de deux paske là, y reste pu de Frenchies toutes fraiches, on fait peine à voir. Un peu comme si on avait marché 75km sans dormir, tiens.

Alors cette étape, je la maudis. Du n’importe quoi taille XXL. Ils ont dit « cette étape est pas trop dure, ça monte un peu pis après c’est fini, le plus dur est fait. » Mon c*l, oui !! Ca a fait que monter pendant la moitié, avec des mini-descentes qui voulaient juste dire qu’on allait en chier encore plus en montant. Avant le lever du jour, on a croisé un membre du staff qui nous a dit « A partir de maintenant ça fait que descendre ». Ah oui ? et cette grosse colline la, sur la carte c’est pour de rire ? « ah non non c’est vrai, ça va monter sec, mais je préfère dire que ça descend, c’est plus cool à entendre ». Alors, comme dirait Jackie Quartz, Juste une mise au point (www.youtube.com/watch?v=wQTmLBuGR8k), mossieu, on va arrêter d’être cool et on va être efficace. Il est 6h du mat, on a pas dormi depuis 26h, on a marché 80km, tu nous excuses de pas être cool, hein.

Ensuite on a croisé une ambulance qui, 1) a absolument ravagé les pieds, ce qu’il en restait, d’Elise, et 2) nous a également raconté des conneries, sur la distance qu’il restait à parcourir. Rebelote pour le « à partir de là c’est tout plat », rehaussé d’un « vous avez fait beaucoup plus que la moitié, vous êtes presque arrivés ». Preuve est faite qu’il y a pas besoin de marcher 80km ou de pas dormir pour être en plein délire.

Là, je me suis un peu désolidarisée des trois copines, c’est pas bien, mais pas le choix, il a fallu que je marche plus vite pour tenir le coup, et on est partis devant avec Mathieu. Une enfilade de côtes, de longues lignes droites, et puis, surtout, pas le moindre signe des deux panneaux « y vous reste 2km » et encore moins le « 1km ». On a passé un cimetière de caravanes brûlées peuplées d’une petite famille de cochons sauvages, des kms de champs déprimants, et pas de signe. Une clôture électrifiée, aussi, tant qu’à faire, quitte à en chier, autant nous achever. Sans Mathieu, chui pas sûre que j’aurais fini les yeux secs et que j’aurais pas tapé le staff qui, tout sourire, nous a annoncé à la fin de cette interminable étape : « 400m et c’est fini ». Mais si vous arrivez à compter jusqu’à 400m, pourquoi vous avez pas poussé jusqu’à 5 fois 400 (je n’ai pas qu’un physique, ça fait deux km) et coller nos ptites pancartes salvatrices ???
Je n’aurais jamais la réponse mais pendant que je vidais mon fiel auprès de mon équipe de soutien, caméra au poing, eux m’ont répondu qu’ils n’avaient pas osé nous texter mais que peu après notre départ, ils avaient entendu les organisateurs dire que c’était une des pires étapes de la marche mais qu’ils nous le disaient pas pour pas nous décourager. Ben merci les organisateurs, ça fera sûrement plaisir à la fille qui s’est évanouie en chemin et que deux mecs sont en train de porter jusqu’à l’arrivée de le savoir. Bien joué.
A na prévu d’écrire un mail qui explique mon tout petit énervement aux organisateurs mais je vais attendre d’être un peu plus détendue…

A ce point de contrôle, je me suis fait masser tout ce que j’ai pu, j’ai réussi à manger quasi normalement, changement complet de fringues, mini décrassage et c’est reparti. Dernière étape, 13,5km.
On en a pas vu grand chose, même si on a mis 3h30 à la faire, il est donc possible de conclure qu’après 89,5 km, le paysage ne compte pu des masses. En plus toute l’étape était en plein soleil, ça aide pas à se concentrer. Là aussi, sur la fin, je me suis désolidarisée, pas pu rester collée au groupe, je pensais qu’à deux choses : contrôler mon envie de vomir ET finir.
Et finir, j’ai bien pu y penser paske sur les 13,5km de l’étape, 7km longeaient l’immense lac de Taupo, et donc en quelque sorte on voyait la ligne d’arrivée tout du long. Un truc qui peut rendre fou un petit renne. Mathieu en a un peu fait les frais et Josh, prenant le relais de Mathieu, a fait semblant de rien voir, mais je pense qu’il me voit pu forcément comme avant la marche… Probablement un peu plus teigneuse… Lui qui a dit une fois que j’étais presque trop facile à vivre, je pense qu’il est content de voir à quelle psychopathe il échappe régulièrement.

Mais malgré tout ça (vous venez de lire 8 pages Word) on a passé un bon moment, perso je re-signe pour 2009, et on a eu la chance inouïe d’avoir une équipe de soutien en or. En plus que or si y a mieux ! Que le lendemain, lundi, j’avais du mal à croire qu’il fallait que je me fasse mon ptit déj de nouveau moi-même (mais vaut mieux que je me bouge pour manger paske j'ai perdu 3kg pendant ce weekend, ça fatigue) et aller chercher mes chaussettes propres toute seule. La vie est bien difficile de nos jours.